La vie des étrangers sous couvert de récépissés de titres de séjour en France

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Quelle conclusion tirer si le délai d'instruction de votre demande de titre de séjour est anormalement long?


Vous avez demandé une carte de séjour ou son renouvellement auprès de la préfecture. Pourtant, depuis l’enregistrement de votre demande, vous vivez sous couvert de récépissés ou d’attestations de prolongation d’instruction (API).


Vous vivez dans l’incertitude. Votre situation administrative est précaire. En effet, le récépissé ou l’API demeure une autorisation provisoire de séjour qu’il faut sans cesse renouveler afin de se maintenir en situation régulière sur le territoire français.


Depuis le dépôt de votre demande de titre de séjour, votre récépissé est renouvelé, mais le préfet ne se prononce pas sur votre demande. Cette situation perdure pendant des mois et même des années. Vous vous retrouvez à vivre sous couvert d’autorisations provisoires de séjour indéfiniment. Les mois passent et vous ne recevez ni une décision défavorable explicite, ni une convocation à la préfecture pour retirer votre titre de séjour.

Dans cette situation, vous pouvez considérer que le délai d’examen de votre demande de titre de séjour est anormalement long, en particulier si vous avez déposé un dossier complet ou s’il s’agit du renouvellement de votre carte de séjour temporaire, pluriannuelle ou de votre carte de résident.


Salariés, passeports talent, étudiants, parents d’enfant français ou conjoints de français, vous êtes nombreux dans l’attente de la remise de votre titre de séjour.


Confronté à cette problématique, le tribunal administratif de Grenoble a demandé son avis au Conseil d’Etat (jugement n° 2404789 rendu le 20 décembre 2024).


La question posée à la Juridiction administrative suprême est la suivante:


Lorsque l’instruction d’une demande de titre de séjour dure au delà de quatre mois, doit-on considérer qu’une décision implicite de rejet est née quand bien même le préfet délivre et renouvelle régulièrement le récépissé?


Cette question constitue une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges. 


L 'avis du Conseil d’Etat rendu le 6 mai 2025 répond positivement à cette question:

  • ​​​​​​​une décision implicite de rejet est née à la date d’expiration du délai de quatre mois et ce même si le récépissé est régulièrement renouvelé (avis n°499904).

La réponse du Conseil d'Etat confirme la solution qu'avaient retenue certains tribunaux

(voir la jurisprudence de Marseille, 8 décembre 2023, n°2311114 et la jurisprudence de Versailles, 22 novembre 2024, n° 2207363).  

 
Rappelons que pour certains titres de séjour, comme la carte de séjour "étudiant", le délai de naissance d’un refus implicite de délivrance d'un titre de séjour est de trois mois.(article R.432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).


Prenons un exemple. Vous avez demandé le renouvellement de votre carte de séjour pluriannuelle ‘’vie privée et familiale’’ le 1 janvier 2022. Le 1er mai 2022 , soit quatre mois plus tard, votre titre de séjour ne vous a pas été délivré. Le 1er mai 2022 est née une décision rejetant implicitement votre demande de titre de séjour. Vous devez considérer que vous êtes destinataire d’un refus implicite de délivrance d’un titre de séjour le 1er mai 2022, et ce même si la préfecture continue de renouveler votre récépissé après cette date.


Que faire si le préfet ne s'est pas prononcé explicitement sur votre demande de titre de séjour ?


Première hypothèse: le service préfectoral vous a fourni un accusé de réception de votre demande de titre de séjour comportant la mention des voies et délais de recours, ce en application de l'article L.112-3 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article R. 421-5 du code de justice administrative. 


Vous avez deux mois à compter de la date de naissance de la décision implicite de rejet pour saisir le juge.


Si on revient à notre exemple:


Le 1er mai 2022 est née une décision rejetant implicitement votre demande de carte de séjour déposée le 1er janvier 2022. Vous pouvez contester ce refus implicite jusqu’au 2 juillet 2022. (Le délai de recours contre une décision implicite est un délai franc = 2 mois + 1 jour). Il y a des mécanismes juridiques permettant d'interrompre ce délai de deux mois, mais tel n'est pas le sujet de cet article. 

Deuxième hypothèse: la préfecture ne vous ayant pas fourni cet accusé de réception, vous n’avez pas été informé des voies et délais de recours.


Pour saisir le juge, vous avez un délai raisonnable d’un an qui s'applique à compter de la date à laquelle vous avez eu connaissance de la décision implicite de rejet de votre demande d'admission au séjour. Ce délai raisonnable d'un an a été fixé par la jurisprudence Czabaj du Conseil d'Etat (Conseil d'État, Assemblée, 13/07/2016, 387763, Publié au recueil Lebon).

Par exemple, le 17 septembre 2024, vous consultez un avocat, car vous n’avez toujours pas reçu votre carte de séjour, alors que votre demande a été déposée le 1er janvier 2022!

Pour résoudre cette difficulté, votre avocat adressera une demande de communication des motifs d’une décision implicite de rejet au préfet qui est responsable de l'examen de  votre demande de titre de séjour.


Ce courrier d’avocat témoigne que vous avez eu connaissance du refus implicite de délivrance de titre de séjour.


Le délai raisonnable d’un an pour saisir le juge court à compter de la date de la demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet (Cour administrative de Lyon, 11 oct. 2018, n° 18LY01362). Si le courrier a été adressé le 17 septembre 2024, vous devez saisir le juge administratif avant le 17 septembre 2025. 


Ainsi, au delà de quatre mois ou de trois mois pour certains titres spécifiques, si vous n’avez reçu aucune réponse du préfet sur votre demande de titre de séjour, c'est à dire ni votre titre de séjour, ni une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou ni une décision portant refus de titre de séjour, le mieux pour éviter de perdre du temps est de prendre conseil auprès d’un avocat en droit administratif des étrangers qui envisagera les recours possibles. 

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