Le silence du préfet en matière de titres de séjour
-Le Conseil d’État a rendu, le 10 octobre 2024, deux avis particulièrement importants (n° 494718 et n°493514) concernant les effets du silence de l’administration sur une demande de titre de séjour. Ces décisions viennent préciser la portée du régime du « silence vaut rejet » prévu par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et éclairent les praticiens sur les hypothèses dans lesquelles un recours est ouvert.
1. Le cas du dossier incomplet
Dans son avis n° 494718, le Conseil d’État rappelle que le silence gardé par le préfet pendant le délai de quatre mois prévu à l’article R. 432-2 du CESEDA vaut en principe décision implicite de rejet.
Cependant, il précise que lorsque le dossier déposé est incomplet, le silence ne peut pas être assimilé à un rejet de la demande. Dans ce cas, il s’agit d’un refus implicite d’enregistrement, lequel ne constitue pas une décision faisant grief. Un dossier est incomplet lorsqu'il manque soit une des pièces obligatoires prévues à l’article R. 431-10 soit une pièce mentionnée à l’annexe 10 du CESEDA sans laquelle l'examen de la demande de titre de séjour est impossible.
Conséquence: un tel refus implicite ne peut pas être contesté par un recours pour excès de pouvoir.
2. Le cas du dépôt irrégulier
Dans son second avis n° 493514, le Conseil d’État a précisé les conséquences du silence de l’administration lorsque la demande de titre de séjour est déposée de façon irrégulière.
Il existe plusieurs modalités pour déposer une demande de titre de séjour :
sur le site de l'ANEF (Administration Numérique des Étrangers en France),
par comparution personnelle en préfecture,
ou par envoi postal.
Le mode de dépôt varie selon le type de demande. Il convient donc de consulter le site internet de votre préfecture afin de connaître la procédure applicable à votre situation.
Par exemple, dans les Bouches-du-Rhône, un étudiant souhaitant changer de statut pour obtenir un titre de séjour salarié doit envoyer son dossier par courrier postal, tandis qu’un parent d’enfant français doit obligatoirement déposer sa demande en ligne sur le site de l’ANEF.
En cas de dépôt irrégulier, le silence de l’administration ne vaut pas décision et ne peut donc pas être contesté devant le juge.
Le Conseil d’État précise en outre que l’étranger peut présenter plusieurs demandes simultanément ou successivement, fondées sur différents motifs. L’irrégularité d’une demande n’empêche donc pas l’instruction d’une autre.
3. Conclusion
Ainsi, ces deux avis permettent de tracer une grille de lecture claire :
Situation de la demande de titre de séjour | Effet du silence | Recours possible ? |
|---|---|---|
Dossier complet, dépôt régulier | Rejet implicite | Oui |
Dossier incomplet | Refus implicite d’enregistrement | Non |
Dépôt irrégulier (par exemple, lorsqu’une demande de titre de séjour en qualité de parent d’enfant français est envoyée par courrier postal alors que seule la procédure en ligne via l’ANEF est autorisée) | Pas de décision faisant grief | Non |
Multiples demandes (simultanées ou successives) | Chaque demande est examinée distinctement | – |
Par conséquent, seul un dossier complet et déposé selon les modalités prévues permet de considérer que le préfet a bien été saisi d’une demande de titre de séjour.
À l’inverse, si le dossier est incomplet ou présenté de manière irrégulière, le préfet peut estimer qu’aucune demande n’a été valablement déposée. Dans ce cas, le silence de l’administration ne produit aucun effet et vous ne disposez d’aucun recours devant le juge.
Il reste possible de présenter plusieurs demandes distinctes, ce qui peut, dans certaines situations, constituer une stratégie pertinente. L’accompagnement d’un avocat en droit des étrangers pourra alors s’avérer précieux pour définir la meilleure démarche.
Commentaires
Rédigez votre commentaire :
Les réactions des internautes
<% comment.content %>
<% subcomment.content %>