Réduire la précarité administrative des étrangers : pistes de réforme
Brouillon -Dans le cadre de mon activité d’avocat, je suis régulièrement consultée par des ressortissants étrangers — conjoints de Français, titulaires d’un passeport talent, d'une carte de résident, salariés — qui se retrouvent dans une situation de grande précarité administrative en raison de la gestion de leurs dossiers par la préfecture. Beaucoup se retrouvent sans récépissé, sans titre de séjour, alors même qu’ils ont déposé leur demande dans les délais légaux et conformément à la réglementation applicable.
Je pense, par exemple, à un client, conjoint de Française et salarié, qui s’est retrouvé du jour au lendemain sans récépissé, risquant de perdre son emploi, alors même que son dossier ne présentait aucune difficulté puisqu’il s’agissait d’un renouvellement de titre.
Une autre cliente, vivant en France depuis qu’elle est mineure, a renouvelé son titre de séjour et s’est vue contrainte, pendant des mois, de relancer régulièrement la préfecture pour connaître l’état d'avancement de son dossier, sans obtenir de réponse ni de récépissé.
Ces délais anormalement longs créent une précarité majeure et génèrent un contentieux massif devant les tribunaux administratifs, contentieux pourtant évitable grâce à des mesures simples.
S’y ajoutent les décisions de clôture de demandes de titres de séjour, parfois fondées sur des erreurs de droit commises par la préfecture. Ainsi, une cliente a vu sa demande clôturée au motif qu’elle ne présentait pas un visa de long séjour, alors même que cette exigence ne lui était pas applicable. Elle a perdu son emploi, son logement, et il a fallu saisir le juge, qui a constaté l’illégalité de la décision préfectorale et a reconnu son droit à une carte de séjour pluriannuelle « vie privée et familiale ».
Face à un droit des étrangers de plus en plus complexe, je formule les propositions suivantes pour simplifier les procédures et réduire la précarité des demandeurs étrangers.
Selon les articles R. 432-1 et R. 432-2 du CESEDA, une décision implicite de rejet naît à l’expiration d’un délai de quatre mois (trois mois par exception) à compter du dépôt d’une demande de titre de séjour.
S’agissant des personnes sollicitant un renouvellement ou un changement de statut, il conviendrait de délivrer automatiquement, dès le dépôt de la demande, un récépissé ou une attestation de prolongation d’instruction valable quatre mois. Ce document n’attesterait pas de la complétude du dossier, mais permettrait à l’étranger de justifier de la régularité de son séjour pendant l’instruction, évitant ainsi la perte d’un emploi ou l’interruption de ses droits.
À l’expiration de ce délai de quatre mois, le silence de la préfecture ferait naître une décision implicite d’acceptation.
Pour les personnes sollicitant une première demande de titre de séjour, il conviendrait également de délivrer immédiatement un récépissé ou une attestation de prolongation d’instruction valable quatre mois.
Si l’on peut souhaiter que le silence vaille également acceptation dans cette hypothèse, le maintien d’une décision implicite de rejet ne semble pas constituer, pour autant, une différence de traitement contraire à la Constitution.
Si le délai de quatre mois ne correspond plus aux capacités réelles de traitement de la préfecture, il pourrait être allongé (six ou huit mois, par exemple). Dans ce cas, il conviendrait impérativement de délivrer, dès le dépôt du dossier, une autorisation provisoire de séjour d’une durée équivalente, et la décision implicite valant acceptation naîtrait à l’issue de ce délai.
Par ailleurs, le récépissé devrait mentionner explicitement qu'il autorise son titulaire à exercer une activité professionnelle, en application de l'article R. 431-14 du CESEDA.
Enfin, il serait utile de définir de manière claire et limitative les motifs permettant de prononcer une décision de clôture d’une demande de titre de séjour, afin d’éviter les usages de cette procédure susceptibles d’accroître le contentieux. La clôture ou le classement sans suite devraient être réservés, d’une part, aux demandes de titre de séjour incomplètes après mise en demeure de produire les pièces requises, et, d’autre part, aux demandes réitérées dépourvues de tout élément de fait ou de droit nouveau dans la situation du demandeur. Ces décisions devraient, en outre, être motivées en droit et en fait. Ainsi, lorsqu’une demande est clôturée pour absence de présentation d’un visa de long séjour, la décision devrait mentionner la règle de droit imposant un tel visa dans la situation concernée.
Ces réformes, simples à mettre en œuvre, permettraient de sécuriser le séjour des usagers, notamment de ceux qui, sollicitant le renouvellement de leur titre, bénéficient déjà d’une admission au séjour en France.
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